Analyse de préparation et recherche des bonnes intentions…
- Les Championnats du monde MASTERS (vétérans) LYON 2015 viennent de se terminer.
J’ai participé au concours de saut en longueur catégorie M35 (35-40 ans) en saut en longueur dans lequel je termine 2ème avec une performance de 7m39 (vent régulier à +1.8 m/s) et ce à 39 ans et demi.
Plus que la médaille, je suis très satisfait de la performance ! Je n’avais pas sauté aussi loin depuis 2006.
Je vous propose cet article qui traitera de ma préparation pour cette compétition lors de cette saison, qui abordera et soulignera ce que j’estime être la ligne directrice de tout bon sauteur et enfin se terminera par une analyse en immersion : « dans la tête d’un sauteur. »
1 – Pourquoi ? …Et comment ?
Quelques données
- RP : 7m89 VR en 1996 et 7m93 VF en 1997
- Age : 39 ans et demi (je suis né le 06/02/1976)
- Poids lors de la compétition : 68.5 kg – Poids normal : 72/73 kg.
- Taille : 180 cm
- Détente : Cf article
- Vitesse : 9.36 m/seconde sur mes derniers tests (en course d’élan) (temps de passage entre la 12eme foulée et aux environs de la 16 ème).
Comment expliquer la progression ?
La raison est très simple : j’ai arrêté de m’entrainer « sérieusement » en 2007, depuis cette date et jusqu’à l’entame de cette saison en septembre 2014, je me contentais « d’entretenir la machine », mes séances étaient surtout constituées de préparation physique et de quelques séances globales en matière de sprint et de technique saut, sans réelle planification ni construction.
De plus j’ai dû subir en 2009 l’opération d’une hernie discale qui m’a éloigné des pistes pendant 1 an et qui m’a laissé des séquelles au niveau de la motricité du quadriceps gauche (atteinte du nerf crural).
Trois facteurs importants et décisifs :
- La constitution d’un groupe de sauteurs cette saison (2014-2015) au sein du club de Martigues m’a donc permis de reprendre le chemin d’une véritable préparation planifiée, organisée et sérieuse.
- La création de ce blog a induit un travail important de recherches documentaires et d’assimilation de nouvelles techniques en course notamment mais également (et surtout) un profond changement dans ma conception de l’approche finale en préparation de l’appel et un gros changement dans la construction de ma course d’élan.
- Le retour aux fondamentaux ! sans doute cela le plus important !
Je détaillerai tout ceci dans la suite de l’article.
2 – Quelques données QUANTITATIVES
On m’a demandé suite à cette performance le nombre de séance hebdomadaire consacré ?
La réponse est simple et peut-être surprenante : seulement 3 séances / semaines, puis 4 le mois précédent l’échéance.
Tous mes athlètes ont suivi ce « régime ».
LA QUANTITE n’est pas la clé ! Seule la QUALITE l’est ! Je recherche donc toujours « La quantité de qualité«
Vous trouverez en annexe le détail des semaines avec le nombre d’heure consacré à chaque thème.
En ce qui me concerne, je suis partisan d’une organisation thématique des séances : 1 séance = 1 thème, nous travaillions de cette façon à Clermont Ferrand quand j’étais avec Alain TRONQUAL.
Je pense en effet que le travail est mieux assimilé de cette sorte, plutôt qu’inséré dans des séances mixtes.
Organisation de la semaine :
- LUNDI 18h30 – 20h00 : Préparation Physique Général puis Spécifique / Travail de pieds / Pliométrie / Gainage / exos de type Starzinsky / Bonds multiformes horizontaux et verticaux.
- JEUDI 18h00 – 20h00 : Technique course, travail de sprint, course d’élan et visée.
- SAMEDI : 14h00 – 16h30 : Technique saut.
VOLUME : 210.5 heures annuel sur 10.5 mois
J’ai participé à seulement 5 compétitions estivales en saut en longueur cette année (économie pour ne pas se blesser…)
Comme vous le remarquez, il n’y a pas de séance de musculation avec charge : c’est normal, je n’en ai pas fait !!
Je considère en effet qu’avec le nombre de lacunes techniques accumulées toutes ces années et de par le temps que je pouvais consacrer à mon entrainement dans la semaine (3 à 4 séances maximum) l’objectif numéro 1 était de redevenir un ATHLETE avant de penser à toute forme de progression en termes de musculation avec charges.
LA TECHNIQUE et les FONDAMENTAUX sont les clés, la FORCE est un PLUS quand on est 100% efficace dans ce que l’on fait ! , La musculation n’est pas une fin en soi, c’est un moyen !
Je suis toujours étonné de la prépondérance de la musculation lourde chez certains athlètes qui n’ont pas la parfaite maitrise du geste et des gammes (de course, de saut) ; de la prépondérance de la musculation avec charges chez des athlètes qui ne sont pas préparés physiquement : pas de gainage, Pieds « idiots », pas d’équilibre… ; de la prépondérance de la musculation avec charge chez des athlètes qui ne sont ni « pliométriques » ni explosifs,…ni alignés….ni…ni…
Je considère que le travail musculaire en saut (et même en sprint) peut (et ne devrait) se faire uniquement sans charge dans un premier temps et de façon la plus explosive possible (pied / plio / barres à vide mobilisée rapidement sur des exercices de type bondissants).
Il y a eu un gros travail musculaire c’est inévitable ! Mais toujours dans les axes mentionnés ci-dessus.
ATTENTION ! Je reste également persuadé de la nécessité de prise de FORCE Max, MAIS UNIQUEMENT quand tout le reste est impeccable ! Je vais d’ailleurs reprendre ce chemin dès cette saison en m’appuyant notamment sur les méthodes de travail et de programmation de Gilles COMETTI dont je connais la pertinence et l’efficacité pour les avoir testées.
Avant de détailler le contenu des séances et les axes de travail, voici ce que je considère être UN SAUTEUR EN LONGUEUR :
Un bon sauteur est un sauteur qui court et qui prépare son appel comme un AMERICAIN qui possède des qualités de pieds et d’explosivité d’un CUBAIN (école russe) et qui utilise les technique de suspension et de ramené de l’école FRANÇAISE !
Ceci est ma philosophie et ma ligne directrice à chaque instant !
L’entraînement des pays scandinaves est une bonne synthèse de tout cela (à l’exception de la phase de suspension qui reste une spécificité française)
3 – Evolution(s) de ma pensée
Je reste un « disciple » d’Alain Tronqual, mais ma conception a évolué, tout comme Alain l’aurait fait s’il était encore en vie : Il n’y a pas UNE méthode universelle et invariable : être entraineur est une perpétuelle remise en question, une curiosité de chaque instant et une recherche constante de ce qui semblerait être le plus efficace.
Internet est un formidable outil pour cela : j’ai lu des centaines d’articles (bon nombre sont sur le blog, et il m’en reste des tonnes à diffuser !) ; visionné et analysé des heures de vidéos de sauts, d’entrainements, de discussion entre coach assisté à des colloques et surtout confronté mes idées avec d’autres !
J’ai la chance, en tant que COACH et ATHLETE de pouvoir tester sur moi a priori des nouvelles techniques, des nouvelles approches, des nouvelles intentions, c’est un plus non négligeable car j’ai la maitrise totale de ce que je recherche, ce qui n’est pas le cas quand on est juste spectateur de ses séances.
Ce qui est INVARIABLE
- Pour sauter LOIN, il faut sauter VITE.
- La maitrise des fondamentaux athlétiques est la 1ere ETAPE !!!!
- La technique de saut en (double) ciseau(x) demeure la meilleure façon pour s’équilibrer facilement en l’air et pour projeter ses pieds le plus loin possible à l’atterrissage, il fait profiter des plus grands gains lors de l’atterrissage : Cf données biomécaniques, ceci est démontré et prouvé !
- L’école du pied, chère à Alain et à Daniel LAIGRE est essentielle.
- LES ALIGNEMENTS et la RESISTANCE à LA DEFORMATION SONT LA CLE !
- La transmission des forces dans un seul et unique axe doit être le graal.
- Il faut donner des INTENTIONS, celles-ci sont propres à chaque athlète : « arriver à fournir des sensations propres à chacun » : chercher des mots-clés !
Ce sur quoi j’ai évolué
- Avant de penser CISEAUX : il faut penser APPEL (et à sa préparation), des gammes, encore des gammes !
- Avant de penser à ramener sur 1 pied : il faut penser à RAMENER …déjà…
- Alain préconisait des angles de sauts très plats, je pense qu’il faut un minimum d’angle (Cf. article du blog).
- En France la « descente » sur l’avant dernier et la préparation de l’appel et la longueur des foulées terminales sont quasi des TABOUS : je pense au contraire, comme cela est de toute façon inévitable, qu’il faut les travailler !! Mais bien sûr pas n’importe comment et en adaptant son discours et les intentions demandées par rapport à son public.
- La course d’élan est faite de BLOCS qu’il faut travailler comme un musicien : chaque bloc à ses propres notes, sa musicalité et son TEMPO ! Quand on joue de la guitare il faut connaitre les notes certes, mais surtout jouer dans le RYTHME avec un métronome.
Quand on regarde ce qu’il se passe partout ailleurs dans le monde : lorsque les coachs parlent de technique saut, cela ne concerne que les 4 derniers appuis de l’appel !! La technique de suspension (à tort) est juste considérée comme un moyen de s’équilibrer en l’air.
Les données biomécaniques du « ramené à la française » prouvent qu’ils passent à côté d’un gain énorme. (Cf article), mais encore une fois QUAND et SEULEMENT QUAND ce qui précède et bien réalisé !!!
4 – Les axes de travail
EN COURSE
Rien de nouveau sous le soleil :
- Maitrise des fondamentaux et de la technique course ! le plus important avant d’enchainer des séances de sprint pur !
- Amélioration de la vitesse pure (Vitesse maxi, survitesse, puissance…)
- Mais surtout avoir la maitrise TOTALE de ses accélérations
- APPRENDRE A VISER en COURSE
- APPRENDRE ET JOUER SA PARTITION : une course d’élan n’est pas du « TOUT SPRINT », il y a des phases, une musicalité à connaitre et à répéter sous toutes les formes, tout le temps !
Voici quelques exercices possibles
Le charriot : un fondamental
Travail de passage de fréquence (latte en déroulé de pied) à l’amplitude (cône de 6 à 8 pieds)
Le cycle de jambe et le retour actif du pied
Travail sur intervalles de type accélération/maintien/accélération/maintien…
EN APPEL ET SAUT
- Les 4 derniers appuis sont des appuis spécifiques, pas des appuis de sprint.
- La pose et les actions de l’avant dernier appui et l’enchainement vers la pose du pied d’appel demeurent le gros du travail. (pose des pied à plat, (mais actifs) sur avant dernier et dernier)
- Le saut en longueur et un saut HORIZONTAL.
- L’engagement dans le saut est déterminé quasi uniquement par les intentions des derniers appuis et notamment de l’avant dernier (de son action au sol qui doit éjecter le sauteur)
- Il faut poser ses (son) pied(s) le plus en avant possible du point de chute théorique du centre de masse corporelle lors de l’atterrissage et en restant toujours DANS l’AXE DU SAUT (trop de sauteurs chutent sur le côté…)
- La technique la plus efficace pour ralentir la rotation vers l’avant est le ciseau : gros travail sur le geste à faible puis grand vitesse.
- On saute rebondit DEPUIS la planche et non pas SUR la planche, avec des intentions de VITESSE et de GRANDISSEMENT dans le grand axe du saut, vers l’avant et le haut.
Travail spécifique du « Court/long/court »
Gamme du ciseau
EN PREPA PHYSIQUE
- Il faut éduquer son pied avant d’envisager tout travail pliométrique (CF article sur la prépa physique et le travail du pied ci plus bas). La proprioception (circuit court de l’équilibre est fondamental également).
- Pour transmettre une force, il ne faut aucune rupture dans les alignements : Le gainage est la clé de voute de l’édifice.
- Avant de chercher la force, il faut chercher l’explosivité musculaire et encore une fois la bonne transmission des forces.
- Le travail en pliométrie peut se faire toute l’année, en adaptant le volume et l’intensité.
- La PPG puis la PPS ne sont pas des séances « gadgets », ou des séquences que l’on place en fin de séance juste parce qu’il faut les faire : elles font l’objet d’une attention toute particulière.
- Ma « bible » et le point de départ demeure le travail clermontois + celui de Daniel LAIGRE sur lesquels j’ajoute en phase de prépa le gros travail scandinave qui n’est autre qu’une version plus moderne du travail pliométrique russe et cubain.
- Devenir un athlète : travail global sans charge sur des méthodes de type cross-fit notamment en début de saison en ce qui concerne l’aspect des qualités physiques ET répétition constante des gammes TOUTE L’ANNEE, à chaque séance !
- Voir article sur le gainage ici
- Planche d’exercices Pied / Gainage / Muscu sans charge ici
Voici quelques exercices possibles
Travail de pied
Fin de cycle : on arrive à cela !
Quand vous serez bien gainé ! le DragonFly (on peut y ajouter les gestes du ciseau 😉 )
AU NIVEAU GLOBAL
Le plus gros changement cette année a été la mise en pratique de nouvelles méthodes d’échauffement mais surtout de la mise en place d’une nouvelle forme de course d’élan et de préparation de l’appel.
Echauffement : Dans une séance de 2 heures : 2 heures sont consacrées au thème et uniquement au thème !
Il n’y a donc AUCUN footing d’échauffement (complétement inutile quand il est réalisé comme on le voit classiquement), mais à une mise en route Articulaire / musculaire / tendineuse… progressive avec comme base des pré-exercices orientés pour la séance. + Méthode d’échauffement russe pour compléter.
Donc pas plus aucun étirements PRE et POST séances : qui n’ont pour effet que d’abimer la fibre musculaire et de diminuer la TONICITE : tous les exercices d’assouplissement sont intégrés dans des exercices (passage de haies, exercices à base de mobilisations en excentriques notamment…).
Le travail à orientation AEROBIE (nécessaire) se fait toujours sur des bases d’exercices dynamiques et explosifs (Cf. publications de Gilles COMETTI
Planification
Très classiquement la périodisation et la planification repose sur les bases bien connues :
- Des cycles de 3 semaines environ, entrecoupés de TESTS et/ou de repos relatif (séances avec moins de volume), cycles étant eux même inscrit dans des macro-cycles classiques : Reprise / Préparation / Pré-compétition / Compétition / Transition…
- LOIN DES ECHEANCES = VOLUME, et PRES DES ECHEANCES = INTENSITE… la base…
- Savoir déceler QUAND l’athlète répond aux sollicitations et quand il ne répond plus : Il vaut mieux arrêter une séance qu’une saison…ON S’ADAPTE !!!!
- Un seul stage assez intensif a été placé à PAQUES + un de préparation en octobre , mais je dois avouer que je n’ai pas fait grand-chose lors de ces stages : j’ai « juste » coaché.
ORIENTATIONS TECHNIQUES et DIVERS
Les plus gros changements :
- Gros travail sur les 4 derniers appuis : j’ai travaillé cette année uniquement dans ce sens : Pose des derniers appuis A PLAT + action de « rolling-foot » sur l’avant dernier pour lancer vite la jambe libre dans le saut et fermer vite l’angle du pied d’appel sur la planche (induisant un griffé sur la planche qui est la conséquence) + travail des longueurs de foulées sur le principe « COURT / LONG / COURT » : avec toujours la notion de rythme et de placement correct.
- Changement complet de l’organisation de la course d’élan avec comme forme : 6/6/4/4 : Cf. description de mon saut et article de Mike POWELL
- Utilisation de saut sur plan incliné 7° env. en approche de compétition (j’avais toujours utilisé des plinthes plats jusqu’à lors.)
Je n’ai pas procédé à d’autres changements, il n’y a pas de formules magiques : juste le respect des exigences techniques, mécaniques (universelles) et biomécaniques (adaptées à l’athlète).
Il n’y a pas eu de supplémentation alimentaire (ni dopage bien entendu…) Pas de régime alimentaire spécial : juste se nourrir de façon variée et adaptée à ses besoins. Je n’ai pas non plus d’hygiène de vie particulière, je reste avant tout un bon vivant adepte du bon Rhum…avec modération toujours !
J’ai juste surveillé un peu plus mon alimentation et mode de vie les 15 derniers jours : moins de glucides : plus de protéines végétale et animal et de FIBRES (en alimentation classique uniquement) + une cure de drainage à base de thé vert + bardane + chicorée + reine des pré + lamier blanc (GERLINEA ACQUA DRAINER) : 100% plantes. Ce qui m’a permis de sécher pour passer de 72/73 kg à 68/69 kg le jour J.
PAS DE PLAGE ni de BAIGNADE pendant des heures…c’est pourtant tentant en habitant à 200m de la mer…mais il faut savoir conserver son jus pour les séances à haute exigence.
Bref…de la logique et du bon sens avant tout, sans jamais de frustration mais toujours la détermination à atteindre son objectif le jour J.
5 – ANALYSE DU SAUT et des INTENTIONS
Ceci n’est pas mon saut à 7m39, mais le premier de la finale (mordu de peu), il demeure néanmoins le plus proche de ce que je recherchais et de ce que j’ai travaillé. Je n’ai rien inventé : juste assimilé et assemblé ce qui me paraissait le plus efficace en puisant dans mon expérience et dans mes nombreuses lectures cette année.
Vitesse réelle, puis ralenti 1/4 et enfin les TEMPO des cycles (paire de foulées sur un rythme 1-2-3 /// 4-5-6 // puis chaque appuis sur un rythme 1-2-3-4 /// 1-2-Pa-PAM !
Ma Course d’élan se compose de 20 foulées avec env. 4 m de pré-élan.
Voici ce à quoi je pense et quelles sont mes intentions lors d’un sautPré-élan
Cela me semble la façon la plus facile pour s’élancer sur de bonnes bases sans se « crisper » sur les appuis de poussée comme c’est parfois le cas en départ arrêté.
Il doit être tonique et servir de base au rythme qui va suivre. J’ai opté sur 3 « pas » marchés un peu rebondissants plus un petit double appui sur le dernier appuis de marche pied droit pour être « mis en tension » dès le 1er appui. On pourra choisir des petites montées de genoux dynamiques également. On s’assure qui qu’il arrive de bien partir DEPUIS sa marque de départ !!! (on doit viser !)
MISE EN ACTION
L’ensemble du corps est orienté vers l’avant, les appuis sont orientés vers le sol sans cycle de jambe : juste de la poussée en RYTHME sur 6 appuis sur un pied fort, je compte chaque « cycle » (j’appelle cycle ici, une paire de foulées) donc je suis sur un tempo 1-2-3 (les 3er BIP de la vidéo) à chaque pose du pied gauche (mon pied de départ) avec une recherche de force, de disponibilité (relachement) et d’accélération de chaque pose (3 plus vite que le 2, lui-même plus vite que le 1). Du fait du pré-élan, il n’est pas nécessaire de pousser trop long et trop vers l’avant : on profite de la vitesse inertielle du pré-élan.
Je m’assure de rester dans mon intervalle en disposant une marque de fin de mise en action ! Dans 90% des cas, de mauvaises marques proviennent d’une mise en action non maitrisée en termes de distance et de tempo !!!
IL FAUT VISER CETTE MARQUE ! (il faut donc travailler cette première partie de façon analytique en séance pour déterminer le meilleur rapport amplitude/fréquence de l’athlète : NI TROP LONG, NI TROP COURT, NI TROP RAPIDE TOUJOURS dans le rythme++ de ce qui précède (je ne suis pas fan des mises en action de types cubaines avec des grands appuis long type multibonds rapides : trop exigeants et pas assez précis).
Je pars à 42m70 (avec 4 mètre de pré-élan) pour passer à 30m80 en fin de mise en action.
NB : ces valeurs sont les miennes… elles doivent être adaptées à chaque athlète.
PLACEMENT
Je dispose de 6 foulées pour passer de la position de poussée à une position de sprint (donc 3 cycles : 3 poses pieds gauche :BIP 4.5 et 6). (Sur une course de 18 foulées, cette phase passe à 2 cycles donc 4 foulées).
Ce replacement se fait de façon PROGRESSIVE (on ne se redresse pas d’un coup), les foulées deviennent des cycles de jambes de sprinteurs (genoux haut, pieds actif au sol avec toujours l’action de force au sol, mais de plus en plus « griffés » : ATTENTION ici les forces sont toujours à appliquer VERS le sol : « on ne griffe pas pour griffer » : on continue à vouloir être solide, fort et très relaché.
La tête qui doit être dans l’axe du corps commence à orienter le regard vers la planche : on vise la planche, on est conscient qu’on s’en approche, on ne la lâche plus des yeux (ou plutôt de son champ visuel) jusqu’au 2 dernières foulées : Quand on va à la chasse : on vise la cible, c’est la même chose en saut en longueur !!!! (On aura donc procédé à des exercices de visée à l’entrainement sur faible puis grande vitesse).
Je continue à compter sur la forme 4-5-6 avec chaque appui plus rapide que les précédents, toujours en comptant les CYCLES (et non pas les appuis) ce qui fait donc bien 3X2 = 6 foulées.(LES BIP 4.5 et 6)
Cette section de 6 foulées doit donc être plus rapide que la précédente, en position de sprinteur, avec juste peut être une intention de genoux plus haut et de pieds plus armés qu’un sprinteur.
RECHERCHE DE VITESSE MAXIMUM
Nouveauté ici, je n’avais jamais procédé de la sorte…je m’y suis mis 1 mois et demi avant cette compétition suite à l’article de Mike POWELL.
Sur 4 foulées, sans perdre mon placement ni mon relâchement je cherche la VITESSE MAX, cette fois ci je ne compte plus mes cycles mais « écoute » tous mes appuis qui doivent résonner sous la forme PAM-PAM-PAM-PAM de plus en plus vite, de plus en plus fort : j’ai travaillé cette section à l’entrainement avec des cellules et une recherche de vitesse maximum dans cet intervalle de 10m environ. Ma vrai volonté de sprinter est uniquement ici, ce qu’il se passe avant est une préparation pour bien le faire.
Le regard est toujours sur la planche
Nous sommes donc à 6+6+4 = 16 foulées à ce stade, il en reste 4 !
Entre temps, l’athlète aura franchi la marque intermédiaire (la marque du coach UNIQUEMENT) qui pourra s’assurer que l’athlète n’est ni trop près, ni trop loin.
L’athlète ne doit pas la regarder : le regard est toujours sur la visée de la planche.
Pour infos je passe entre 13m10 et 13 m 40 à six foulées de la fin (variable selon les athlètes, j’ai un cadet à 12 m 80 env. et un espoir qui mesure 1 m 90 env. qui passe aux alentours des 14 m).
L’APPEL
Nous y sommes…il reste 4 foulées : TOUT SE JOUE ICI ou presque…
La volonté ici est de rester VITE, de rester HAUT, de se sentir « un peu près de la planche » et surtout d’être le plus disponible possible, on ne doit pas vouloir SAUTER (au sens : mettre un gros « pain » à lors de l’appel, mais se sentir comme une balle rebondissante : solide, vite et élastique.
Au niveau sensation, on doit se sentir « aspiré » par le bac.
Le travail préparatoire et analytique aura été fait à l’entrainement, donc on oublie le « descriptif » on ne réfléchi plus, on « ressent » :
- On ne pense pas longue foulée ou courte foulées : on conserve sa vitesse et on cherche à monter en rythme tout en restant grand.
- On ne pense SURTOUT PAS descente sur l’avant dernier mais on cherche la SOLIDITE puis à rester grand SUR et DEPUIS la planche : je dois agir pour que ma jambe libre revienne vite devant pour s’engager dans le saut : l’action part du sol (donc de l’avant dernier).
- On ne pense pas à être fort en cuisse, mais à se sentir solide en PIED : à ce titre je recherche des genoux hauts et un pied bien armé : je dois être léger et rebondissant.
- Les deux premières foulées de cette phase permettent les derniers réglages pour bien viser : le regard est encore sur la planche puis…
Vient la pose du « DROIT-GAUCHE » (les deux derniers appuis pour un appel pied gauche)
Le regard n’est plus sur la planche (c’est trop tard pour corriger) mais au loin vers l’avant : personnellement je me fixe un point de repère vers le haut et l’avant (un arbre, la limite du stade…), la tête n’est ni vers l’avant et encore moins vers l’arrière mais dans l’axe du futur angle de saut.
Encore une fois, je ne recherche qu’une pose du pied droit bien à plat (mais pas à plat et mou ! à plat et FORT) et à rester droit et solide : la flexion de jambe est celle de mon amplitude articulaire maxi de cette flexion le pied à plat au sol, je ne recherche pas, je l’ai travaillé à l’entrainement et à faible vitesse dans mes gammes d’échauffement).
L’action rapide du pied droit viendra faire poser vite le pied d’appel sur la planche ,« fermer l’angle » et lancer le genou libre dans le saut, par effet de « fronde ».
Les américains nomment l’action de l’avant dernier appuis : le « rolling flat foot » ou le « push- pull-plant ».
Cette recherche est réservé à des athlètes avec un haut niveau d’expérience…si vous voulez rester simple : contentez-vous d’être rapide, solide et haut, très en rythme sur ces 4 derniers appuis, sans vouloir sauter, juste profiter des mises en tension renvoi ! Une balle qui rebondit je vous dis ! L’action vive des deux derniers appuis doit provoquer un tempo de style « PA-PAM » très explosif ! (des sauts pieds nus aident à sentir tout cela : on ne peut pas faire d’erreur de pose !)
Je recherche sur la planche à avoir un pied d’appel posé à plat et à surtout rester très gainé, n’avoir aucune flexion : il faut sentir la mise en tension-renvoi très rapide. NE PAS CHERCHER à SAUTER, chercher l’éjection rapide !
L’action de griffé est je pense une conséquence de ce qui précède, mais sur laquelle on peut ajouter une intention : c’est ce que pense Gérard VIALETTE, je le rejoins, mais je reste persuadé que ce n’est pas l’intention principale, de plus une exagération volontaire de cette intention provoque souvent des problèmes musculaires : là aussi…j’ai testé…) .
Topo de Gérard (désolé pour le vent : montez le son !)
Toutes ces intentions évitent la « butée fatale » à la vitesse et le saut mordu conséquence d’un appel peu actif.
Ce n’est fini… il faut enfin avoir la volonté de grandissement vers l’avant et le haut : le bassin et les épaules doivient être projeté en avant dans un seul axe, le secteur d’impulsion est balayée vite, haut et fort : ne jamais forcer ; comme au triple-saut (mais en plus rapide) : il faut être dans son temps de saut : anticiper ce qu’il se passe, ne jamais subir. ETRE LEGER et restituer l’énergie ! (l’athète devient une perche : au sens de la restitution de l’énergie.)
TRES INSTRUCTIF pour comprendre !
Je me sers de mon point de visée mentionné plus haut pour aller vers lui, toujours vite, toujours grand, avec l’impression de rebond sur et depuis la planche sans penser à autre chose que d’aller loin et vite ET SURTOUT EN RESTANT DANS L’AXE !! Trop de sauteurs préparent déjà leur ramené en basculant à droite ou à gauche lors de l’appel (regardez vos sauteurs de face !! c’est très riche !)
L’action au sol de l’avant-dernier appui a propulsé mon genou libre vers l’avant et le haut très rapidement, le pied passe près de la fesse (petit segment = segment rapide) , j’engage l’ensemble de mon corps dans cette direction de façon très intentionnelle (action des segments libres : genou libre et épaule opposée) … ça y est…je m’extrais pour moins d’une seconde de la gravité terrestre qui nous colle tous au sol.
Toujours en se sentant LEGER et REBONDISSANT, presque « aspiré »
SUSPENSION
C’est ce qui est le plus facile à travailler !
Je recherche l’amplitude du geste : il faut penser à deux montées de genoux en l’air en exagérant un cycle de course (grande ouverture et fermeture active), et SEULEMENT à partir de ce moment avoir la volonté de repasser ses épaules en arrière du bassin.
Là encore, pas de geste parasite !!! On est parti sur un bon axe et on le conserve : pas de bascule à droite ou à gauche !! (Merci le gainage et le travail des fessiers !!!), on garde le cap !
Une fois la jambe libre de nouveau devant soi (à l’issu d’un double ciseau) : la conserver A TOUT PRIX loin du sable (haute) et loin VERS l’AVANT !!
RAMENE
Trop de sauteurs perdent des dizaines de centimètres à vouloir atterrir sur un seul pied…le gain est minime quand il est bien réalisé (de l’ordre de 7cm : selon une modélisation informatique de George POUMARAT STAPS Clermont à la demande d’Alain à l’époque), mais la perte est dramatique quand cela est mal réalisé… J’ai trop vu sauteur « tomber » les pieds complétement à gauche ou à droite de leur axe de saut avec donc une perte de tout l’arc de cercle du ramené théorique devant soi. En revanche le ramené à la française : pieds loin devant et épaules en arrière donne les plus gros gains ! + de 70cm / point de chute théorique !!
Apprenez donc à atterrir sur les deux pieds avant de travailler ce détail !
Yann DOMENECH par exemple a toujours ramené sur ses deux pieds, cela ne l’a pas empêché d’aller très loin !
Sur mon ramené 1 pied, je cherche juste donc à garder mon pied droit loin devant et à conserver un pied gauche très haut pour qu’il ne touche pas le sable…(style passage de haie en esquive). Il ne faut pas être trop en arrière (sinon on tombe derrière son point de chute), mais les épaules sont toujours derrière le bassin.
J’amorti…(Cf exos de ramené) et c’est tout ! Si le saut possède le bon angle (cf. ici) : on aura conservé de la vitesse : on glisse donc dans le sable pour éviter d’être en arrière de son point de chute. Je pense juste à ne pas venir en blocage quand mes pieds touchent le sable, je cherche à emmener mes fesses vers eux, je ne « tire » pas depuis mes pieds sinon on « chute » verticalement, on AMORTI et on repousse le sable vers l’avant.
Conclusion
Voilà…si vous avez lu ces lignes vous avez pu être dans ma tête quelques instants…je ne dis pas que cela constitue LA méthode, mais UNE méthode…la mienne en tout cas depuis cette année et pour les années qui arrivent…jusqu’à ce que je remette tout ou partie en question si je considère cela comme pertinent !
On ne peut pas écrire des théories immuables sur les sauts et l’entrainement.
Ce sont des pages de brouillon sur lesquels on note des choses,
on teste,
on barre,
on garde…
bref on s’adapte et on évolue… comme toutes les espèces vivantes…
Enfin Entrainer, c’est donner de l’entrain !(Maurice HOUVION) : On ne perd donc pas également la notion de plaisir !
Annexes
1 – A LIRE
Si vous comprenez l’anglais, je vous invite à lire cet excellent document :
Biomechanics of the long jump – Nicholas P. Linthorne